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The series highlights the voices of Haitian Americans in Springfield as they share stories of resilience, cultural identity and adaptation. Each episode offers an intimate look into their experiences, from immigration journeys to building a sense of belonging in America. The project celebrates the strength and vibrancy of Springfield’s Haitian diaspora.

Découvrez l'histoire d'un journaliste haïtien vivant à Springfield

Jacques Adler Jean-Pierre (à l'extrême gauche) lors de l'inauguration d'une « Résidence de l’amitié » dans sa ville natale.
Jacques Adler Jean-Pierre
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Soumis
Jacques Adler Jean-Pierre (à l'extrême gauche) lors de l'inauguration d'une « Résidence de l’amitié » dans sa ville natale.

Haitians in the Heartland est le résultat de six mois de collaboration étroite entre le Eichelberger Center for Community Voices de WYSO et un groupe de résidents haïtiens de Springfield, dans l'Ohio, qui ont travaillé avec New Diaspora Live, une station de webradio à Springfield.

Histoire de Jacques

Jacques Adler Jean-Pierre est un éminent poète, journaliste et activiste haïtien.

En raison de son travail, il a été arrêté, brutalisé et s'est finalement réfugié en Amérique. Vivant aujourd'hui à Springfield, dans l'Ohio, il tente de reproduire le travail qu'il a accompli en Haïti et partage un message d'espoir et de motivation avec sa communauté.

Haitians in the Heartland est une émission produite pour l'oreille et destinée à être écoutée, pas pour être lue. Nous vous encourageons vivement à écouter le fichier audio, en cliquant sur le bouton bleu ci-dessus (« LISTEN »), qui fait passer des émotions et accentue des éléments que la version écrite ne permet pas de percevoir.

La transcription suivante a été légèrement modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.

Jacques Adler-Jean-Pierre : Je m'appelle Jacques Adler Jean-Pierre et mon histoire est celle d'un homme qui, en Haïti, a porté haut la voie de la culture et des luttes politiques, mais qui, face au défi de l'exil, a dû réapprendre à se tenir debout.

En Haïti, j'étais journaliste culturel et éditorialiste politique à Radio-Télévision Caraïbes. Mon métier m'a permis de défendre les artistes et de dénoncer les injustices avec passion et intégrité. Mais mon engagement allait bien au-delà des mots. En tant qu'artiste, poète et comédien, je me suis battu pour que la culture soit une arme de résistance.

J'ai créé « Jaden Sanba », un centre culturel alternatif qui est rapidement devenu un lieu emblématique. Ce centre n'était pas qu'un espace artistique. C'était un foyer pour les militants et les créateurs. Au cœur de Jaden Sanba, un restaurant alternatif rassemblait des esprits libres et des cœurs battants. C'est là que nous planifions des réunions politiques, rêvions de changement et posions des actions concrètes pour notre communauté. Mais ce rêve de liberté et de justice m'a coûté cher.

Mon implication dans les manifestations contre la cherté de la vie en Haïti m'a valu une arrestation brutale. Pendant ma détention, mes dreadlocks, symbole de ma fierté et de mon identité, furent coupés de force. Cet acte humiliant n'a pas brisé ma détermination, mais il a marqué un tournant dans ma vie. Après ma libération, les menaces se sont multipliées. J'ai échappé de justesse à plusieurs attaques armées, et à deux tentatives de kidnapping orchestrées par des gangs, travaillant pour des mafieux au sein de la classe politique. La peur n'était plus une option, je devais partir pour protéger ma vie et celle de ma famille.

En juin 2024, j'ai quitté Haïti et suis arrivé à Springfield, en Ohio. Ce départ n'est pas une fuite, mais une nécessité. Je savais que je devais construire un nouveau départ, mais rien n'était simple. Ma femme et ma fille, qui vivaient à Indianapolis, m'ont rejoint plus tard, grâce à mes efforts pour les faire venir à mes côtés.

Mais à mon arrivée, une nouvelle bataille m'attendait. C'était en pleine campagne électorale, et Donald Trump menaçait de déporter tous les Haïtiens vivant en Ohio. Dans cet environnement hostile, je devais non seulement m'adapter à une nouvelle culture, mais aussi faire face à une insécurité permanente.

Ce départ n'est pas une fuite, mais une nécessité.
Jacques Adler-Jean-Pierre

Aux États-Unis, tout a changé. L'homme respecté et écouté que j'étais en Haïti n'était ici qu'un étranger. La barrière de la langue s'est dressée comme un mur, m'empêchant de trouver un emploi à la hauteur de mes compétences. Mon passé de militant, de journaliste et d'artiste semblait invisible dans ce pays où tout fonctionnait différemment. Chaque jour était un combat pour m'intégrer, pour apprendre l'anglais, pour subvenir à ma famille.

Je regardais ma fille s'épanouir, apprendre rapidement la langue et s'intégrer à son nouvel environnement. Elle m'inspirait, mais je me sentais parfois comme un homme étranger à sa propre vie. Malgré tout, je refuse de renoncer, mon histoire ne se termine pas ici. Je continue à écrire, à rêver, à construire.

J'ai commencé à travailler sur un recueil de poésie dédié à l'exil et à la résilience, espérant que mes mots puissent transcender les frontières. Je crois profondément que ma voix, même dans l'ombre, peut encore porter. Je sais que l'exil m'a changé, mais il ne m'a pas brisé. Je suis encore cet homme qui a fondé Jaden Sanba, cet homme qui croit au pouvoir des mots, de l'art et de l'engagement.

L'exil est une épreuve, mais c'est aussi une opportunité de se réinventer. Et tant que je vivrai, je continuerai à me battre, à rêver et à défendre ce qui me tient à cœur.

Malgré le défi de l'exil, mon écriture demeure ma plus grande force, un refuge contre le poids de mes regrets et une lumière dans l'obscurité. Aux États-Unis, bien que tout soit différent, ma plume n'a jamais cessé de vibrer. En six mois, j'ai écrit deux pièces de théâtre et un conte. Ces œuvres, empreintes de mes expériences et de mes réflexions, racontent des histoires de résilience, d'amour et de quêtes identitaires. Elles me permettent de me reconnecter à mes racines, de revisiter mon passé et de créer un pont entre ma vie en Haïti et celle que je construis ici. L'écriture est pour moi une manière de continuer à rêver, à partager et à résister.

Mes mots, bien qu'éloignés de mon public habituel, portent toujours cette étincelle d'engagement qui m'a toujours guidé. C'est une manière de transformer mes regrets en quelque chose de beau, d'utile et de vivant.

Et ce n'est que le début. Mon projet d'écriture continue à évoluer, tout comme moi. Chaque mot posé sur le papier est un pas de plus vers la reconstruction de ma vie et de mon identité. Ces textes ne sont pas seulement des créations artistiques, mais des cris du cœur pour toutes les voix étouffées par l'exil et les injustices. Dans ma pièce de théâtre, je mets en scène des personnages inspirés par les gens que j'ai rencontrés, les luttes que j'ai partagées et les rêves que nous avons portés ensemble. Mes récits sont autant de miroirs tendus à mes compatriotes qu'ils soient encore en Haïti où qu'ils aient, comme moi, été forcés de partir.

Jacques Adler Jean-Pierre dans le studio du WYSO
Jacques Adler Jean-Pierre
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Soumis.
Jacques Adler Jean-Pierre dans le studio du WYSO

Dans mon conte, j'explore l'univers de l'enfance, de l'innocence et des possibilités infinies, un moyen pour moi de dialoguer avec ma famille.

Je veux qu'elles comprennent que, malgré les obstacles, nos racines sont une richesse et que nos histoires peuvent porter le poids de l'espoir. Je travaille également sur un recueil qui réunira mes textes récents. Ce projet me donne un objet clair et nourrit ma volonté de rester connecté à ma communauté et à mes valeurs. Je rêve de voir ces œuvres publiées et diffusées, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Haïti et ailleurs, là où la lutte pour la justice, l'amour et la dignité résonnent encore.

Chaque texte est un acte de survie et un acte de création. Même loin de mes repères, l'écriture m'aide à ne pas perdre de vue ce qui me définit. Elle me rappelle que, malgré l'éloignement, je suis encore cet homme engagé, ce militant culturel, cet amoureux des mots. L'exil n'a pas atteint ma flamme, il l'a transformé, et cette lumière guide encore mon chemin.

Et peut-être qu’un jour, grâce à ces mots, je retrouverai une nouvelle forme de reconnaissance, non pas en tant qu'exilé, mais en tant qu'écrivain qui continue envers et contre tout à croire au pouvoir des histoires.

Haitians in the Heartland est une émission produite par le Eichelberger Center for Community Voices de WYSO.

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Crédits de musique:

Piano loops 185 efect octave long loop 120 bpm by josefpres -- https://freesound.org/s/795224/ -- License: Creative Commons 0

Warm acoustic guitar by finnskog -- https://freesound.org/s/795725/ -- License: Attribution NonCommercial 4.0

Jacques Adler Jean-Pierre, also known as Bòs Madichon, is from Cayes-Jacmel, in the Southeast of Haiti. His multifaceted and versatile life has led him to express himself through poetry, theater, recycled sculpture, and cultural journalism while actively contributing to preserving and promoting Haitian culture. He now lives in Springfield, Ohio.
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